Lecture au sol, lecture du ciel
Jacques Dassié. Archéologie aérienne en Charente, 1993 :
Toutes les actions humaines dans le sol, que ce soit par creusement ou par apport, modifi ent de façon irréversible l’homogénéité naturelle de ce sol.
Des intuitions riches de promesses
Dès les XVIIIe et XIXe siècles, les érudits prennent conscience qu’une observation attentive des terres et des variations de la végétation révèle la présence de traces organisées. L’abbé Lacurie, vers 1860 :
Le moulin du Fâ est bâti sur l’emplacement d’un petit édicule dont les contours sont parfaitement dessinés par la maigreur des céréales plantées sur le terrain.
Le Chevalier de Vaudreuil, 1839 :
Rien n’est plus facile que de reconnaître les plans qu’occupent les fondations souterraines encore existantes. Elles sont décelées, à une certaine époque de l’année, par la langueur des récoltes qui les couvrent… On pourrait par ce moyen, sans fouilles, dresser le plan de plusieurs des édifi ces qui composaient la ville de Tamnum.
N’est-ce pas l’évocation du principe de la prospection aérienne ? En 1937, Louis Basalo semble tenté par la prospection pédestre. Mémoire du 26 janvier 1937 :
Quand on chemine sur les terres de Barzan à Talmont, on les voit parsemées de débris de poteries, on perçoit des taches blanches presque géométriques, que le labour… met à nu tous les ans.

Temple de la Garde © Jacques Dassié
Découverte aérienne du site
Dans les années 1960, Robert Colle évoque l’intérêt d’une véritable prospection aérienne sur le site du Fâ. Revue « Aunis et Saintonge :
J’en ai une entre les mains qui provient du service géographique de l’Armée. Quoique prise à très haute altitude, elle m’a permis de faire quelques constatations intéressantes que j’ai communiquées à M. Basalo. Entre autres choses, le dessin probable d’une abside dont nous avons noté l’emplacement…
À basse altitude, la photographie aérienne oblique révèle, par les différences de couleurs et de hauteur de la végétation, de véritables plans de la voirie et des édifices. En effet, un fossé rempli de terre et d’humus absorbe plus d’eau que les fondations d’un mur de pierre. Dans le premier cas, la végétation croîtra plus vite et sera plus verte que dans le second, où sa croissance sera moindre et son jaunissement accéléré.
C’est en juin 1975 qu’une prospection aérienne intensive révèle à Jacques Dassié, ingénieur passionné d’archéologie aérienne et amoureux du patrimoine saintongeais, l’unité d’une importante cité galloromaine s’étendant de la ferme à l’Estuaire, jusqu’à l’anse du Caillaud. Le 22 juin 1975, Jacques Dassié, accompagné du Professeur Raymond Chevallier, survole la zone de Talmont.
Quelques jours plus tard, la sécheresse et le jaunissement des céréales aidant. J. Dassié :
…Au fur et à mesure de l’approche, les détails devenaient plus visibles, les formes géométriques s’alignaient révélant un plan organisé : la ville gallo romaine surgissait des céréales verdoyantes, et cela, sur près de cinquante hectares ! Tout devenait clair : le temple inscrit dans son péribole, l’avenue principale… descendait vers le théâtre. On distinguait des zones de magasins et des traces de constructions qui s’étendaient jusqu’au port.
Raymond Chevallier, sous la direction duquel Jacques Dassié a soutenu une thèse sur l’archéologie aérienne, lui attribue la paternité
D'une découverte majeure qui résout un des cinq ou six grands problèmes de l’histoire de la Gaule, en l’occurrence la cause de la richesse de Saintes sous le Haut Principat.