Maurice Garnier, le résistant

Engagé dans la Marine en 1916, Maurice Garnier est alors commissaire de 3ème classe, au service du chiffre (M.B.A.), à bord du Marceau, division des flotilles de l'Adriatique.
Fin 1918, il est désigné pour continuer ses services auprès de l'Attaché naval à l'Ambassade de France à Rome. A la déclaration de la guerre, sa position est nette. Dès 1939, il sollicite avec succès une affectation au 2ème Bureau.
Homme d'action ayant profondément ancré en lui le sentiment de l'honneur et du devoir, il a su créer un réseau de collaborateurs actifs et ainsi procurer de nombreux renseignements très précis sur les agissements de l'ennemi.
Luttant pied à pied avec l'occupant qu'il se plait à railler, à moquer, à désarçonner par sa verve et son audace, il intervient plusieurs fois auprès de l'armée allemande pour éviter aux vauxois des vexations et des sévices.
A partir du 1er août 1943, il se rallie au Mouvement de la Résistance militaire, recevant chez lui des agents de liaison et de renseignement, exécutant personnellement des reconnaissances, fournissant des plans, indiquant les positions défensives ennemies de toute la région Nord-ouest de la zone de Royan.
Maurice Garnier est un homme cultivé, maniant aussi bien la langue de Goethe que celle de Shakespeare.
Un jour, en entendant les allemands se moquer de son allure très anglaise, Maurice Garnier s'en prend à eux. Il est arrêté et questionné par la Gestapo pendant deux jours, puis libéré.
Il avait étudié avec minutie les tâches à accomplir après la libération. Rien n'avait été omis pour que, dès le départ de l'envahisseur, tous les services soient en place afin de reprendre dans la liberté reconquise, le travail de reconstruction morale et matérielle.
Début avril 1945, Jean Godet, chef de l'antenne sud, contacte Maurice Garnier qui lui assure la coopération de 30 soldats de l'armée allemande. Il a en effet réussi à contacter et convaincre les éléments polonais, autrichiens, tchèques, alsaciens et lorrains incorporés d'office dans la Wehrmacht.
Il les a organisés, a pourvu les groupes de chefs qui, au moment de l'attaque sur Royan, ont déserté et se sont immédiatement mis au service de l'armée française. Ceux-ci ont guidé les chars français à travers les champs de mines, renseigné et précédé les éléments de premier échelon. Ils ont ramassé des armes et se sont battus aux côtés des troupes françaises.
Avertis par Maurice Garnier dans la soirée du vendredi 13 avril, les vauxois attendent l'opération "Vénérable".
Il propose à la famille Audureau de venir se protéger dans son abri. Il s'agit d'une tranchée creusée près des chais, recouverte de planches et de terre.
Les habitants de la ferme préfèrent rester chez eux, dans leur propre abri. Bien leur en a pris. Le lendemain matin, 14 avril 1945, Maurice Garnier sera tué par une bombe avec deux de ses employés, Louis et Emilienne Madelaine, et son chien.

Maurice Garnier, l'homme et l'artiste

Maurice Garnier avait une finesse d'esprit et une intelligence incomparables. Artiste érudit, d'une grande culture, parlant plusieurs langues, toutes ses qualités étaient couronnées par une haute valeur morale qui se dissimulait sous une grande simplicité et une extrême modestie. Il avait toujours un mot à dire, une histoire à raconter à quiconque croisait son chemin.
Membre correspondant du Musée du Trocadero, en liaison avec le Musée des Arts et Traditions Populaires, il s'ingéniait à sauver, à répertorier tout ce que le temps mettait en péril et n'hésitait pas à puiser dans ses propres collections pour offrir quelques précieux objets à ce musée.
Il n'avait pas hésité à entrenprendre le minutieux travail d'un catalogage de 331 objets conservés par le Musée Mestreau à Saintes.
Maurice Garnier a d'abord fait de la peinture et de la sculpture selon le conformisme habituel. Il a réalisé des nus, des natures mortes, des paysages, avec beaucoup de talent. Maurice Garnier a exposé ses oeuvres dans plusieurs galeries parisiennes et à New York.
Max Argelin dit de lui :
Le jour arriva, où ce sensible artiste comprit le langage de la pierre immobile, et fit jaillir enfin, par de pures images, l'expression, le relief, le visage ineffable de l'éternelle Beauté.
Source : Square René Le Gall - Paris 13ème
S'il fallait ne retenir qu'un jardin des années trente à Paris, ce serait sans conteste celui des Gobelins. L'architecte Jean-Charles Moreux (1889 - 1956), chantre du modernisme mesuré, signe ici son chef-d'oeuvre vert. C'est un espace secret, seul lieu non construit de l'ancienne manufacture de tapisserie des Gobelins située à deux pas. Le jardin des Gobelins, ou square René Le Gall, est l'une des plus grandes réussites paysagères de la fin des années trente à Paris.
Le long de la rue Croulebarbe, des escaliers monumentaux en pierre sont décorés avec des galets et des fossiles.
Les masques apposés sur les contreforts des escaliers sont inspirés de la Renaissance. Oeuvres du sculpteur Maurice Garnier, ils rappellent les décors magnifiques des jardins de Tivoli.

Vaux sur mer lui doit :
- L'érection du Monument aux Morts en 1920, œuvre de France Raphaël.
- La découverte de la pierre tombale de David de Lallion, abbé de Vaux-Sur-Mer décédé en 1618. Cette pierre est visible dans l'église St Etienne.
- L'inscription du cimetière de l'église aux Monuments historiques.
- Le dégagement du chevet de l'église. Pendant son mandat de maire, de 1922 à 1929, la ville a été électrifiée, des projets d'adduction d'eau et de syndicat d'initiative se sont formés.
- Une fête a été organisée avec le concours d'artistes japonais en relation avec le musée Guimet de Paris.
Maurice Garnier par Abel Bonnard...
Je ne crois pas qu'on puisse rien voir à Paris, en ce moment-ci, de plus curieusement artiste et de plus réellement original que les œuvres qu'expose Maurice Garnier, si nouvelles qu'il n'y a pas de nom pour les désigner.
Maurice Garnier a recueillis des galets, et il les a fait passer du monde muet des pierres dans le monde éloquent de l'art. Ces galets aplatis deviennent de fortes cuisses, de larges poitrines.(...)
Maurice Garnier nous montre aussi des aquarelles d'un accent et d'un rythme remarquables ; il sait saisir tout un paysage dans sa masse et son dessein, et il ne laisse pas une seule des lignes qui s'y inscrivent échapper à la composition et à l'organisation de l'ensemble.
Mais comment ne pas revenir à ces étranges bas-reliefs d'un agencement si adroit, non pas grossiers, ni même rudes, mais d'une sourde finesse? Maurice Garnier nous a appris que l'immense tribut de galets déposé par la mer aux pieds de la terre, est plus précieux que nous ne l'avions cru ; de ce qui, de tout temps, avait été offert à tout le monde, il a, le premier, fait une œuvre d'art.
...et par Léon-Paul Fargue de l'Accadémie Mallarmé
Je regarde Maurice Garnier comme un homme de haute époque.(...)
Maurice Garnier ne se contente point d'observer la nature. Il en fait l'élément premier de son œuvre.
Répugnant à tailler la matière, à la discipliner (...), c'est dans cette nature même qu'il choisit, et avec quel goût, les matériaux susceptibles de collaborer à l'œuvre qu'il veut entreprendre. De simples galets, roulés, forés, décrépits par la mer, érodés finement par les cheveux blonds des plages, des minéraux qui racontent en bref par leurs blessures ou par leurs turgescences la merveilleuse histoire du monde, te1s sont les éléments qu'il choisira pour établir d'étonnantes compositions.
Maurice Garnier a su dégager de grandes valeurs décoratives. Idée, rythme, couleur, soumission aux caprices naturels en fonction de cette recherche, infiniment curieuse et poétique au plus haut degré, des rapports insoupçonnés qui lient entre eux des débris aussi disparates, telles sont les clefs de son œuvre.