Opération "Vénérable"

Le 14 avril 1945, l'offensive définitive contre la Poche de Royan est déclenchée.

 

Le BMA 5 reçoit comme mission de s'emparer des ouvrages de Peu et de ceux de la région de Brandes. Il doit être engagé le 15 avril. Ce jour là, l'artillerie et l'aviation pilonnent les positions ennemies de 10h00 à 12h30 et l'attaque est alors lancée. Une heure plus tard, les premiers éléments de la 1ère compagnie font irruption dans l'ouvrage de Peu.

A 14h00, l'objectif n°1 est atteint. Le bataillon a trois blessés, mais il a fait 13 prisonniers.

Dès 15h00, le BMA 5 marche sur l'objectif n°2 avec l'appui des chars. Les 3ème et 4ème compagnies se heurtent à des tirs d'armes automatiques aux environs de Brandes.

 
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Les chars de la 2ème DB pénètrent dans Royan

 
 

L'ordre est alors donné de poursuivre sur l'objectif n°3, la prise de Didonne. Des rafales de mitrailleuses s'y opposent sur la gauche, rapidement réduites par la 4ème compagnie qui fait encore 14 prisonniers. Puis la 3ème compagnie entre dans Saint-Georges-de-Didonne où la résistance est vive et il faut alors utiliser les lance-flammes et les chars. Les éléments de tête sont rejoints par l'Etat-Major du bataillon, alors que les Allemands déclenchent un feu nourri de mitrailleuses, de mortiers et de canons. Deux obus de 105 s'abattent au milieu de l'État-Major. Le Lieutenant-Colonel Tourtet est tué, ainsi que le Capitaine Manuel, commandant la 3ème compagnie, le Sergent Casimir et le Lieutenant Naud, commandant les chars de soutien. Le Capitaine Franco, adjoint au chef de corps, le Lieutenant Lacoste ainsi que plusieurs gradés et soldats sont grièvement blessés.

 
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Reddition d'un soldat allemand

 
 

Le Capitaine Perrier, adjudant major, prend alors le commandement du bataillon et termine son installation sur l'objectif n°3, route de Didonne-La Tuilerie.

La 2ème compagnie entre la première dans le bourg au prix de nouveaux blessés.

Durant la soirée, le village de Didonne est bombardé au 105, bombardement qui fait encore deux morts et cinq blessés. L'attaque a pleinement réussi, le BMA 5 a fait 44 prisonniers, mais le bilan est lourd : 6 morts dont le chef de corps, 25 blessés graves évacués et 10 légers.
Le 17 avril, le bataillon reçoit l'ordre de se porter à Royan, ville complètement en ruines, où il doit assurer une mission de barrage et de contrôle de circulation.

Source : Bernard Salom. Mars 2004

 
 

Jean Armorin, correspondant de guerre au Figaro

Samedi 14 avril

6h20 : 75, 77, 105, 155 se déchaînent au dessus des têtes.
6h35 : les tanks Sherman de la division Leclerc s'ébranlent portant des hommes du 4ème Zouaves. Un démineur kabyle avance pas à pas.
Un Sherman saute sur une mine.
Médis : 1150 bombardiers lourds venant surtout d'Angleterre, forteresses volantes ou avions de l'aéronavale se déploient dans le ciel.
Les corolles noires de la flak allemande commencent à naître.

Dimanche 15 avril

Toute la matinée, les flights de bombardiers lourds ont continué à semer les chapelets en larmes d'argent de milliers de tonnes de bombes et de tracts aussi : "Narichten für die truppe".
13h25 : nous sommes tassés dans un fossé, au premier carrefour de Médis. A 500 m en avant, l'artillerie se déchaîne sur les ouvrages allemands, lançant des geysers noirs sur la crête de Belmont très fortifiée. Les zouaves sont partis à l'attaque. Les mitrailleuses boches sont entrées en danse.
14h : un escadron est bloqué sur la gauche, encadré par des éclatements de 88. Au-dessus, les bulles sombres des minenwerter s'épanouissent très souvent. Les fusées des Rocket-guns s'élancent vers les lignes allemandes.
17h : une batterie de 88 cherche le carrefour où s'amoncellent les chars bloqués par le bouleversement. Devant nous, l'un d'eux saute sur une mine en bois et se retrouve du coup déchenillé.
18h : les bulldozers en ont mis un coup sur la route si bien vérolée d'entonnoirs énormes. La jeep nous rejoint à la traînée des premiers chars. Des Leclerc. Royan flambe à moins d'un kilomètre.
18h55 : ça y est. Nous venons de dépasser la plaque bleue de Royan criblée d'éclats. Le soir tombe et les chars continuent. La ville est un brasier.

Lundi 16 avril

8h : quelle nuit ! Je m'avance vers la mer, vers la plage jonchée de débris. Les Congolais qui ont fait la Lybie, Bir-Hakeim, nous ont rejoint par Didonne avec leurs chars. Ce fut dur. Près de moi, un capitaine du 2ème Bureau communique par radio avec un homme de la Résistance qui émettait depuis trois semaines des lignes ennemies, près de Saint-Palais, au cœur des ouvrages de défense allemande. Et la radio nasille de sa voix impersonnelle :

J'aperçois les premiers chars des nôtres. Les Fritz se rendent en masse. Vive la France. Émissions terminées.

Source: "Royan ville martyre". Imprimerie Botton Royan

 

Howard Zinn, historien

Je me suis engagé dans l'Armée de l'Air et suis devenu bombardier. Je décollais d'une base en Angleterre sur un gros bombardier de la 8ème Armée de l'Air et je lâchais des bombes sur différents endroits en Europe, dont la petite ville française de Royan sur la côte atlantique. (...)
J'avais bombardé tous ces endroits en Europe sans savoir ce que je faisais.
Quand vous lâchez des bombes à dix mille mètres d'altitude, vous n'entendez même pas les explosions. Vous n'entendez pas les cris, vous ne voyez pas le sang, vous ne voyez pas les corps déchirés des enfants.(...)
C'était trois semaines avant la fin de la guerre.
Tout le monde savait que la guerre était finie.(...)
Pourquoi allions-nous bombarder une ville sur la côte atlantique en France ?
Parce que, selon nos services de renseignements, il restait une poche de soldats allemands près de Royan. Ils ne faisaient rien, ils attendaient seulement la fin de la guerre. Mais nous devions les éliminer.
Ainsi nous allions emporter un nouveau type de bombe dans nos soutes (...): c'était du napalm - la première utilisation du napalm dans la guerre en Europe.
Nous avons survolé Royan - 1200 gros bombardiers pour attaquer quelques milliers de soldats allemands - et nous avons lâché nos bombes, tuant les soldats, mais détruisant la ville de Royan. Nous ne savons pas combien de personnes sont mortes dans ce bombardement. Je n'y ai même pas pensé alors.
C'est la guerre moderne, on tue à distance, le tueur ne connaît pas la victime, ne la voit pas, ne l'entend pas.

 

Progression des armées alliées lors de l'opération "Vénérable"

 
Progression des armées

Opération "Vénérable" Bilan humain

 

Pertes ennemies

  • Tués : 1000
  • Blessés : 800
  • Prisonniers : 8000

Victimes civiles

  • Tués : 47
  • Blessée : 36
 

Pertes FFI

  • Tués : 364
  • Disparus : 13
  • Blessés : 460