La Seudre, le pays des vases nouricières

Sur l’album dit de Colbert (qui représente en fait des dessins de Jean Jouve publiés en 1779), deux planches sur vingt-quatre, pour les ports situés entre Nantes et Bayonne, sont consacrées l’une à la Seudre, l’autre à Mornac.

Petit fleuve côtier, la Seudre prend sa source dans le pré de la Vinière au Petit Saint-Antoine, un hameau près de Saint-Genis de Saintonge. Son cours fait environ 78 kilomètres dont une vingtaine en eaux salées entre Saujon et Mus de Loup (La Tremblade).

Il y a 130 ans, on relevait «à plus de 50 kilomètres de sa source, c’est encore un maigre ruisseau, qui même ne coule pas toujours, mais à 1000 mètres plus bas , à l’écluse de Ribérou, commence l’estuaire qui, s’élargissant au Breuil et surtout à partir de l’Eguille, finit par avoir une largeur de 400 à 800 mètres». En face de Mornac, la Seudre est aujourd’hui large d’environ 300 mètres à marée haute et 150 à marée basse. La Seudre charrie dans ses eaux du calcaire, ce qui expliquerait son envasement relativement limité, comparé, par exemple avec Brouage ou avec le marais de Saint-Agnant.

Le lit de la Seudre, bordé de collecteurs (on dit aussi des berceaux, sur lesquels sont posés, à la mi-juillet, les collecteurs proprement dits chargés de recevoir la laitance lors de la ponte des huîtres) est l’un des sites les plus renommés du captage de l’huître creuse française, avec, en Charente-Maritime, Fouras, Port-des-Barques et Bonne Anse.

 
Croquis-navire

Premières illustrations connues des bateaux de Saintonge : celles de la Seudre sous Louis XIV

 

C'est sur le banc de Mouillelande (déformation de "mouille l'ancre", ce qui confirme l'importance de ce mouillage lié à l'ancien trafic du port de Mornac) que se déroula, en 1971, l'opération "Résur". Pour relancer l'activité ostréicole, suite aux mortalités massives de l'ancienne huître portugaise qui avait relayé la plate dans les années 1920, des huîtres-mères ont été importées de la côte ouest du Canada (Colombie Britannique). Transportées par avion et semées sur le banc de Mouillelande, les "Gigas", (l’huître du Pacifique, appelée aussi, faussement, japonaise), se sont révélées très prolifiques et ont permis de régénérer l'huître française.

Au delà de ses vases, la Seudre est bordée de sartières (végétation marine de sarts) où ont été creusées les claires extérieures à l'endigage des marais salants par les taillées.  D'origine très ancienne, l'endigage s'est beaucoup développé pour l'extension des marais salants sous l'influence de Richelieu qui avait des visées politiques sur le littoral d'Aunis et de Saintonge, provinces considérées comme sources de richesses à partir précisément du sel.

Les sauniers ont, pendant plusieurs siècles, permis au secteur côtier de Seudre et de Brouage, d'assurer une production substantielle (220 000 tonnes annuelles au XVIIIe siècle) alimentant l'Europe du nord en sel très recherché, entre autres, pour la conservation du poisson. Aujourd'hui, il existe encore un marais salant sur la Seudre au chenal de Luzac.Les sauniers pratiquaient aussi l'élevage extensif de l'anguille, du mulet et du bar (ils étaient aquaculteurs avant l'heure), et se sont révélés des précurseurs en ostréiculture.

Ils ont, en effet, les premiers, pratiqué l'affinage de l'huître (plate à l'époque) pêchée sur les bancs naturels et placée en faible densité dans les premières claires creusées pour l'entretien des taillées. Les premiers titres de propriété des claires de sartières, qui cohabitent avec celles du domaine maritime, tiendraient, semble-t-il, leurs origines de la compensation du service rendu pour consolider les endigages.

 

Croquis d'embarcations